Je suis un garçon, donc j’ai plus de poches que la moyenne. Parce que les garçons ont en moyenne plus de poches que les filles. Il y a beaucoup de vêtements de filles (des vêtements que les filles portent plus que les garçons) qui n’ont pas de poche. Il y a même quelque chose d’assez étonnant dans la mode féminine, c’est les fausses poches. De loin, on a l’impression qu’il y a une poche, mais dès qu’on s’approche pour mettre quelque chose à l’intérieur, on s’aperçoit que c’est juste une illusion, un simulacre. En vérité, les fausses poches ce n’est pas exclusif à la mode féminine, on trouve aussi ça dans la mode masculine, sur des vestes et des manteaux par exemple. Je me souviens, mon père il avait ça quand j’étais petit, un manteau rouge de marque Aigle avec des fausses poches sur le côté. Je lui avais demandé à quoi ça lui servait et il m’avait répondu que c’était au cas où des pickpockets essayaient de lui voler ses affaires, comme ça ils se retrouveraient face à une fausse poche et ils se seraient bien faits avoir. Du coup longtemps j’ai vraiment cru que c’était ça la raison. Aujourd’hui je sais qu’il se moquait de moi. En fait je pense que si on a besoin de faire semblant qu’on a des poches alors qu’on n’en a pas c’est avant tout parce que la poche aujourd’hui c’est un symbole de puissance. Et il y a une anecdote de l’histoire de la mode qui explique assez bien ça, c’est l’histoire de Livan Dansee III.
Livan Dansee III c’était un empereur. Il s’était fait faire un manteau (le manteau impérial) avec 300 poches dessus. C’est des poches qui lui servaient principalement à ranger sur lui des objets magiques (amulettes, grigris, etc.) qui pour être vraiment efficaces devaient être rangés à des endroits précis contre son corps. Par exemple il avait une amulette d’immortalité qui était rangée dans la poche contre son cœur. Certaines poches avaient un rôle plus trivial, il avait une poche pour ses clés, une poche pour sa montre (au niveau du poignet), mais la plupart des poches avaient un rôle magique. Plus tard ses descendants ont repris cette idée de manteau impérial couvert de poches, et c’est un peu devenu le symbole de la dynastie Livan. Et par extension, la poche est devenue le symbole du pouvoir impérial. Il faut savoir qu’à cette époque, c’était interdit pour quiconque (à part l’empereur) d’avoir des poches à ses vêtements. Ce n’était pas une loi très contraignante, la poche est arrivée assez tard dans la mode populaire, à cette époque pour ranger nos affaires, on avait plutôt des bourses, ou des besaces. Mais la poche était quand même interdite. Mais comme la poche était devenue un symbole de pouvoir, on voit apparaître à cette époque des vêtements de nobles avec des fausses cousues dessus.
Il y a une anecdote qui est drôle par rapport à l’amulette d’immortalité de Livan Dansee III. C’est qu’un jour il s’est fait volée l’amulette et 5 jours après il est mort. Alors chacun croit ce qu’il veut mais rien ne nous prouve que ça ne marchait pas vraiment. Ce qui est sûr c’est qu’il faut saluer l’exploit du voleur qui a quand même réussi à s’introduire dans le palais, jusqu’à la salle du trône et qui a sans qu’on le remarque volé l’amulette dans l’une des 300 poches du manteau que portait l’empereur ! La poche du cœur en plus, juste sous son nez, pas une des poches dans le dos. Je pense qu’on peut dire que c’est le plus grand voleur de tous les temps, même si on ne sait pas qui sait. On ne connaît rien sur lui, on ne sait pas comment il s’appelait. Mais c’est normal, un voleur, si on connaît son nom, c’est qu’il a raté quelque chose quelque part. Les grands voleurs c’est forcément anonyme.
En tout cas celui-là, s’il a réussi à conserver l’amulette d’immortalité il est peut-être encore en vie. Je crois que j’ai eu à faire à lui il y a quelques années dans le métro à Paris. Je rentrais de soirée, j’étais un peu fatigué. Et comme je sentais que je m’endormais, j’ai mis ma main dans ma poche sur mon téléphone, pour être sûr de ne pas me le faire voler pendant mon sommeil. En effet je me suis endormi, je me suis réveillé au terminus. Et quand je me suis réveillé, ma poche avait été découpée avec des ciseaux, tout autour de ma main. Et je m’étais non seulement fait volé mon téléphone mais aussi ma poche. C’est-à-dire que j’étais dans un moment de ma vie ou ma poche était tellement vide qu’elle ne se contenait même plus elle-même.
D’habitude quand on n’a rien dans les poches on a au moins la poche, au moins ce qui nous permet de la retrousser pour montrer qu’elle est vide. D’habitude quand on n’a rien dans les poches on a au moins ce que j’appelle la poussière de poche (ce que les Inconnus appellent les coucougnous), c’est tout cet amas de sable, de poussière, de miettes de tabac, de miettes de mouchoirs en papiers passés à la machine, des fois il y a un fil rouge, on ne sait pas trop d’où il vient. C’est très beau comme matière (enfin, moi j’aime beaucoup). Et c’est intéressant parce que c’est vraiment de la matière, c’est vraiment quelque chose, et pourtant ça représente assez bien le vide, le rien. Par exemple si je vous dis je n’ai rien dans les poches
, vous n’allez jamais me répondre “i ! tu as de la poussière de poche
. Parce que la poussière de poche en fait ça compte pas. Enfin, ça compte, mais ça compte pour zéro. Et ça peut-être pratique ça d’avoir de la matière qui compte pour zéro.
Imaginez par exemple qu’on est dans un dessin animé muet. Il faut tout faire passer par l’image, il n’y a pas de parole. On suit un personnage qui est pauvre. Alors vous allez me dire, comment sait-on qu’il est pauvre ?
, eh bien je ne sais pas par exemple il a un chapeau avec un trou. Le personnage marche le long d’une rivière, il souhaite traverser la rivière et il y a un pont mais c’est un pont à péage, il faut payer pour traverser. Si à ce moment le personnage met sa main dans sa poche et qu’il la ressort sans rien, ce ne sera pas clair, on ne comprendra pas ce qu’il s’est passé. Mais si quand il la ressort, il y a dans sa main de la poussière de poche, un bouton de manchette ou une araignée qui part en courant, le message sera limpide. Ça, cette matière qu’il a dans la main, c’est rien, c’est 0 €. Il n’a pas d’argent, il ne va pas pouvoir traverser, il va s’asseoir à côté du pont et faire la manche jusqu’à ce qu’il ait assez pour passer.
Moi je passais par là et j’ai eu envie de l’aider, donc j’ai mis ma main dans ma poche pour trouver une pièce à lui donner. Mais, problème : je ne sentais que des pièces de 2 €. Et 2 € c’était beaucoup pour moi à l’époque alors je me débattais dans ma poche pour trouver à l’aveugle quelque chose plus de l’ordre de 50 centimes ou 1 €. Mais c’était gênant parce que lui il voyait très bien ce que j’étais en train de faire. Alors je me suis dépêché de lui donner la première pièce que j’ai trouvée qui n’était pas 2 € et c’était 5 centimes… J’ai eu un peu honte en traversant le pont (franchement, j’aurais mieux fait de lui donner 2 €).
Ça me rappelle une histoire qui m’est arrivé un peu pareil dans le métro à Paris. Une dame me demande si je ne peux pas lui dépanner 1 €, je lui dis Non désolé j’ai rien
et en disant ça je frappe les poches de mon torse avec mes mains, et ça fait Gling gling gilng… En fait je n’avais vraiment pas d’argent, c’est mes clés qui avaient fait ce bruit. Mais je n’allais pas lui dire Mais non, je vous jure, regardez, c’est mes clés
. Du coup je suis juste parti comme ça, comme un menteur.
Là c’était vraiment gênant mais sinon en général c’est des gestes que j’aime bien. Il y a tout un vocabulaire de gestes autour des poches qui forment un peu une sorte de chorégraphie du quotidien. Comme ce dont je parlais, de taper ses poches du plat des mains pour savoir ou montrer ce qu’il y a dedans, ou alors quand tu es assis, que tu as besoins de quelque chose dans ta poche mais qu’elle est trop serrée et que tu dois te lever pour y accéder. Alors tu te lèves, tu mets ta main dans ta poche, et là tu tombes sur un objet que tu ne reconnais pas. Comme tu aimes jouer, tu essayes de deviner ce que c’est juste en le touchant et c’est une pince à linge. Seulement voilà, tu as beau la sortir et la regarder, cette pince à linge elle ne te dit rien, tu as bien des pinces à linge chez toi, mais elles ne sont pas comme ça et celle-là tu ne l’as jamais vu. Alors tu te demandes vraiment comment elle a pu arriver là. Surtout qu’il n’y a que toi qui portes ce pantalon donc tu te demandes même comment elle peut juste exister.
Et je comprends le trouble que tu ressens à ce moment-là parce que c’est vrai que d’habitude quand on met quelque chose dans sa poche, on s’attend à pouvoir le sortir ensuite. Quand tout à l’heure dans le métro j’ai mis mon téléphone dans ma poche et que je ne l’ai pas ressorti au terminus, j’ai ressenti un trouble. Mais l’inverse c’est pire, quand on sort quelque chose de sa poche, sans l’y avoir inséré auparavant, c’est vraiment troublant. Et je sais de quoi je parle parce que ça m’est arrivé plusieurs fois quand j’étais enfant.
J’avais un pantalon de pyjama rose, en tissu éponge, avec des poches sur le côté. J’étais en vacance chez mes grands-parents et il faut savoir que chez mes grands-parents il y avait un bocal de bonbon sur une étagère et c’était des bonbons qu’on n’avait pas le droit de manger. Je ne sais pas bien pourquoi, mais voilà, ça faisait partie des choses interdites. Et comme souvent quand on est enfant, quand on nous refuse quelque chose le jour, la nuit on va rêver qu’on accomplit le désir frustré. Et donc cette nuit-là j’ai rêvé que j’escaladais les étagères et que j’allais voler un bonbon dans le bocal. Et quand je me suis réveillé, dans la poche de mon pantalon de pyjama, il y avait un bonbon.
Alors aujourd’hui j’explique assez bien ça, évidement ce bonbon ne venait pas de ce bocal, encore moins de ce rêve, c’était juste un bonbon quelconque et je l’ai associé à celui du rêve alors que ça n’avait rien à voir. Mais pour moi à l’époque (je devais avoir 4 ou 5 ans) je venais de trouver le portail magique, qui allait me permettre de faire passer des choses de mes rêves à la réalité. Et c’était très heureux comme découverte parce que c’est une époque où je commerçai à peine à me poser des questions sur les rêves et j’étais très frustré en fait par cette frontière horrible qu’il y a entre les rêves et la réalité. Tout ce que je trouvais dans mes rêves, je ne pouvais pas les emmener dans le monde réel, tout ce que je vivais avec mes amis dans mes rêves, je ne pouvais pas leur en parler le lendemain (ils ne s’en souvenaient pas). Et enfin ce pantalon allait me permettre de briser cette frontière.
J’ai beaucoup essayé de m’en re-servir. Mais ça ne marchait pas trop. Et pas parce que je mettais des objets dans mes poches pendant le rêve et que je me réveillais sans, Mais parce que je n’arrivais pas à contrôler assez bien mes rêves, pour pendant le rêve, prendre un objet et le mettre dans ma poche. Deux fois quand même, il y a eu des histoires un peu étranges. La première fois c’était une pièce de Lego. C’était une pièce que je n’avais qu’en un exemplaire, j’en avais besoin pour une construction, je ne la trouvais pas, la nuit je rêve que je la retrouve et le lendemain matin, elle est dans ma poche ! (En vérité je dois préciser que je jouais beaucoup aux Lego en pyjama : évidement la pièce n’était pas perdue, elle était juste dans ma poche, la nuit j’ai dû sentir le plastique contre ma cuisse et mon esprit a construit un rêve autour de ça. Mais la troisième histoire est un peu plus troublante.)
Je me souviens très précisément du rêve. J’étais avec des copains dans une sorte de monde très beau et froid à la fois, très lisse, un peu métallique. Je me souviens qu’il y avait une rivière dont l’eau été tellement transparente qu’on avait l’impression que les poissons volaient à l’intérieur. Et donc l’intrigue, le sujet du rêve c’est que j’avais compris que c’était un rêve mais mes amis qui étaient là avec moi ils n’avaient pas compris. J’essayais de leur dire mais soit ils ne m’entendaient pas ou ils ne voulaient pas savoir, et donc la seule solution que j’avais trouvée sur le moment c’était de ramasser un objet de ce rêve, de le ramener dans le monde réel grâce au pantalon magique pour leur prouver le lendemain qu’on avait vécu ça ensemble. Sauf que c’était tellement lisse partout qu’il n’y avait rien à ramasser. Et je me suis réveillé avant de trouver un objet à emporter avec moi. Mais quand je me suis réveillé, dans la poche de mon pantalon de pyjama, il y avait un poisson (mort).
Je ne l’ai pas montré à mes amis, je pense qu’ils se seraient moqués de moi. Et je n’en ai pas parlé à mes parents, ils ne m’auraient pas crus (comme vous). Après ça j’ai arrêté d’utiliser le pantalon magique, je pense que ça m’avait un peu choqué. Ou peut-être qu’il était devenu trop petit. Mais là je suis retourné chez mes parents il y a pas longtemps et j’ai parlé à ma mère de ce pantalon. Elle s’en souvenait très bien et elle m’a dit qu’elle l’avait sûrement donné comme tous les vêtements que j’avais à l’époque. Du coup pour me consoler je me dis que sûrement que l’enfant qui l’a eu après moi a lui aussi réussi à faire sortir quelque chose de ses poches de mon pantalon. Ou plutôt de mes poches de son pantalon. C’est pas évident ce genre de phrase parce que les poches ça a un rapport étrange à la propriété, c’est pas vraiment comme les autres objets. Par exemple si j’ai un manteau avec des poches et que je te le prête, au bout d’un moment, dans les poches de ce manteau, il y aura des choses à toi, tes affaires, et si j’ai besoin de quelque chose dans les poches de ce manteau, je dirais regarde dans tes poches
, je ne dirais pas regarde dans mes poches
, alors que c’est mon manteau. Et que tous les deux on le sait très bien.
C’est un peu comme les chambres des maisons. Si quelqu’un dort dans une chambre de ma maison, ce sera sa chambre. Et le jour où il repart ça ne redeviendra pas forcément ma chambre. Ce sera juste une chambre de ma maison. C’est très poche des chambres les poches. Il y a ce côté privé, on y est confortable, on s’y sent bien, on a pas trop envie que des gens viennent fouiller dedans. Il y a ça aussi du jardin secret. Mais si c’était un jardin secret une poche, ce serait quand même un jardin secret avec parfois un beau pommier qui dépasse de la haie. Je pense par exemple aux livres de poches. Vous savez que les livres de poche c’est toujours un peu plus grand que les poches. Et c’est très important de préciser que ce ne sont pas les poches qui sont trop petites. Ce sont les livres qui sont trop grands. Parce que les livres de poche ont été inventés après les poches. C’est donc les éditeurs qui volontairement, impriment des livres trop grands pour qu’ils dépassent. En général en haut on s’arrange pour mettre le nom de l’auteur, comme ça, quand le livre dépasse de la poche, pour l’auteur ça fait de la pub et pour le lecteur ça permet d’exhiber ses lectures l’air de rien et peut-être d’engager une conversation grâce à ça, à la terrasse d’un café.
C’est vrai que même si en général les poches c’est quelque chose d’intime et de secret, ça peut aussi parfois un moyen d’exhiber sa culture ou sa classe sociale. Par exemple si je porte des poches serrées et que je possède un smartphone, tout le monde saura la taille que fait l’écran, car un rectangle en relief se dessinera sur ma cuisse. Personnellement les reliefs dessinés sur mes poches c’est plus souvent des amas informe de mouchoirs usagés et d’autres objets oubliés. C’est pas très beau et c’est pas très pratique parce qu’à chaque fois que j’ai besoin de quelque chose dans ma poche je suis obligé de tout vider pour le retrouver.
Une fois pour pallier à ce problème je m’étais confectionné des intercalaires de poche. J’avais une douzaine d’intercalaires : Clés, Cartes, Mouchoirs, etc. C’était super pratique. Dès que j’avais besoin de quelque chose j’allais dans le bon intercalaire je prenais la carte dans Cartes, je la mettais dans le distributeur et puis je la remettais dans Cartes avant de ranger les billets dans Billets et le ticket dans Tickets, et tout allait super vite. Je dois avouer que ça avait des défauts aussi et que je ne m’en suis pas servi longtemps. Mais c’était chouette d’avoir cette fluidité parce que les poches en fait ça sert à ça, à avoir tout accessible rapidement, à portée de main. Contrairement à un sac à dos qu’il faut enlever puis ouvrir, une poche c’est tout le temps là. Même s’il y a des proches qui sont meilleures à ça que d’autres. Par exemple, si je dois ranger sur moi un revoler ou un paquet de mouchoirs, je ne les rangerais pas dans la poche intérieure à fermeture éclair de mon manteau. Parce que si j’ai besoin d’éternuer, les mouchoirs il faut que je puisse les dégainer vite.
Je ne dis pas que toutes les poches ont un rôle précis mais c’est sûr qu’il y a certaines poches qui sont plus adaptées à certaines choses que d’autres. Par exemple, si je dois mettre une bouteille d’eau dans ma poche, je ne choisirai pas la petite poche à l’intérieur de la poche avant-droite de mon jean, ça ne rentrera jamais, je choisirai plutôt une des poches arrières. Si je dois mettre des plantes dans mes poches, je ne les mettrai pas dans mes poches intérieures, parce que quand je fermerai ma veste, ça abîmera les tiges, quand je les arroserai, ça mouillera ma chemise, donc je choisirai plutôt les poches extérieures. On ne met jamais sa main dans la poche de la chemise, c’est pas du tout confortable pour le poignet et pour l’épaule. En général on choisit plutôt les poches avant du pantalon avec les pouces qui dépassent et les épaules un peu en arrière. Ça donne l’air cool, décontracté.
Personnellement je mets rarement mes mains dans mes poches comme ça, mais plutôt enfoncés jusqu’au fond avec les épaules en avant et tout le poids de mon corps sur le fond de mes poches. Ça donne l’air pas décontracté du tout. Et comme j’ai souvent les ongles longs, à force d’appuyer sur le fond de mes poches ça fait des trous. Je perds souvent, à cause de ça, mes clés et ma petite monnaie. C’est peut-être à ça que ça sert en fait de laisser les pouces dehors, ça fait une sorte de butée.
Cette histoire de pouces ça me rappelle un article que j’avais lu dans un magazine pour adolescent qui s’appelait Phosphore. Il y avait tout un dossier sur le langage corporel et notamment un petit encadré qui expliquait comment interpréter la manière dont son interlocuteur met ses mains dans ses poches dans un contexte de drague, de séduction. Et donc s’il laisse dépasser les pouces, c’est qu’il a confiance en lui, si à l’inverse il ne met que les pouces, ça veut dire ceci, s’il laisse dépasser pouces et auriculaires, ça veut dire cela… Je ne me souviens plus précisément, c’était un peu n’importe quoi, mais voilà, ils décrivaient comme ça les 3-4 manières les plus communes de mettre ses mains dans ses poches et ce que ça signifiait. Et je me souviens m’être demandé : Qu’est-ce que ça aurait pu donner si au lieu de se contenter des 4 manières les plus communes de mettre ses mains dans ses poches, s’ils avaient énuméré les 31 manières de mettre ses mains dans ses poches (il y a 31 manière de mettre ses mains dans ses poches si on considère qu’un doigt ne peut-être que dedans ou dehors (si on a une main à 6 doigts comme Eric Duyckaerts, ça fait 63)) et que pour chacune de ces positions ils avaient inventé une signification, et qu’ils avaient imprimé le magazine en, je sais pas moi, 50 millions d’exemplaire, tout le monde l’aurait lu, et du coup on pourrait communiquer qu’avec nos poches. Ou plutôt avec nos poches et nos mains.
Parce que c’est possible aussi de ne communiquer qu’avec ses poches (sans les mains), c’est ce qu’on appelle les appels de poche. Quand le téléphone se déclenche tout seul dans la poche. En général c’est pour appeler la dernière personne qu’on a appelé, ou la première personne du répertoire. Une fois mon téléphone s’est déclenché comme ça tout seul dans ma poche pour appelé quelqu’un, et le téléphone de cette personne a décroché tout seul, dans sa poche. Et je m’en suis aperçu une demi-heure plus tard alors que j’allais écrire un SMS. Ça faisait 30 minutes que nos deux poches communiquaient comme ça, dans notre dos.
Et je crois que c’est ce jour-là que j’ai compris à quel point les poches c’est vicieux. On a l’impression de contrôler ce qui s’y passe, d’avoir la main dessus. En fait il y a sans arrêt des choses qui s’y cassent, qui en tombe, qui fondent, qui s’emmêlent. On a l’impression de tout savoir sur nos poches, de connaître le fond de nos poches sur le bout des doigts. Mais en vérité qu’est-ce qu’on sait ? On peut savoir ce qu’il y a dedans, on a une vague idée de ce qu’il y a en dehors, mais on ne sait rien du reste.